mars 27

DR. STEPHANIE FANUCCHI, LE TALENT SUD-AFRICAIN DE FOR WOMEN IN SCIENCE

Entretien avec le Dr. Stéphanie Fanucchi, lauréate sud-africaine de la bourse International Rising Talent de « For Women in Science » de l’Oréal-UNESCO.

 Depuis 1998, L’Oréal et l’UNESCO œuvrent pour promouvoir les femmes scientifiques du monde entier avec le programme « For Women in Science ». En 2001, les deux structures décident de valoriser les réalisations de jeunes femmes scientifiques doctorantes ou post-doctorantes à l’orée de leur carrière. La bourse Jeunes Talents Prometteurs Internationaux récompense les 15 meilleures d’entre elles.
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Into The Chic a rencontré le Dr. Stéphanie Fanucchi, originaire d’Afrique du Sud et heureuse bénéficiaire de la fameuse bourse. Post-doctorante au CSIR de l’Université du Cap en Afrique du Sud, ses travaux consistent à étudier et comprendre les subtils mécanismes du système immunitaire et ainsi, participer à la découverte de pistes inédites pour imaginer de nouveaux traitements médicaux.
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Qu’est-ce que le prix Jeune Talent Prometteurs Internationaux représente pour vous ?

C’est un honneur et un privilège de recevoir un prix si prestigieux. Cela arrive à point nommé dans ma carrière. Il va me permettre de passer une nouvelle étape et de convaincre plus aisément des investisseurs. Mais plus que tout, ce prix me conforte dans l’idée que ce que je fais est bien et en vaut la peine, car nous avons tous des moments de doutes.

Ce prix s’accompagne d’une bourse. Une aide précieuse pour vos recherches… 

Actuellement, mes études sur le fonctionnement des cellules sont assez basiques et nous voulons passer à l’étape suivante. Nous voulons monter une entreprise pour faire de ses études une réalité. Nous voulons tester de nouveaux traitements que nous avons découvert.

Je vis à Johannesburg où mon mari a un très bon poste, mais mon entreprise déménage à Cape Town à deux heures d’avion. Je vais vivre entre les deux villes. Cette bourse va également me permettre d’assumer ces allers-retours.

Votre travail se concentre-t-il uniquement sur le traitement du cancer ?

Beaucoup de médecins ont réalisé que de nombreuses maladies comme le cancer, la maladie de crohn ou encore les maladies auto-immunes, avaient toutes une cause inflammatoire. Donc si vous pouvez traiter l’inflammation, vous pouvez traiter la maladie qui est causée par cette inflammation. Il y a également la sepsis ou septicémie causée par la perte de contrôle du système immunitaire face à une maladie. Donc il est très important de comprendre ce qu’il se passe pour pouvoir la stopper.

Pourquoi avoir choisi une carrière scientifique ? Et pourquoi particulièrement l’étude du système immunitaire ?

J’ai été assez chanceuse car je n’avais pas de plan tout tracé, mais beaucoup d’opportunités. Tout a commencé au lycée. J’ai toujours eu une passion pour la biologie et pour le fonctionnement du corps humain. Pas vous ? Je me rappelle encore de mes premiers cours de biologie qui ont réellement piqué ma curiosité et nourri ma passion.

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À la sortie du lycée, je ne savais pas que l’on pouvait devenir scientifique en Afrique du Sud. Il n’y avait pas de modèles. Ma famille, très académique, m’a fortement encouragée à poursuivre mes études à l’université pour y étudier les seules choses que j’aimais : la biologie et la chimie. Je pensais n’y faire qu’une licence mais j’ai tellement aimé cela que j’ai continué : master, doctorat…

Mon PhD – doctorat  –  était tourné vers le cancer et j’ai reçu une bourse d’un institut gouvernemental, le CSIR, où j’ai dû travailler après l’obtention de mon diplôme. Grâce à l’implication du gouvernement, le laboratoire était équipé des dernières technologies et j’y ai étudié la régulation génétique. C’est comme cela que je me suis tournée vers l’étude du système immunitaire car la régulation des gènes régule le système immunitaire.

Avez-vous rencontré beaucoup de femmes au cours de votre parcours ?

Curieusement, ma cousine est une biochimiste qui a eu son doctorat à la même université que moi. Elle a vraiment été une influence et m’a beaucoup aidée. Dans notre centre de recherche, nous avons beaucoup de femmes titulaires d’un doctorat. Mais en termes de tutrice ou mentor, il y en a très peu en Afrique du Sud. Maintenant que je voyage l’international, j’en rencontre davantage mais les femmes restent encore sous-représentées dans le monde de la Science.

C’est en train de changer et je pense que l’Afrique du Sud est assez progressiste sur ce point-là. Depuis l’Apartheid, nous avons une nouvelle constitution qui essaie réellement de considérer tous les genres et origines ethniques.

Je ressens davantage le manque de visibilité des femmes lorsque je voyage à l’international. Je me rends à des conférences composées essentiellement d’hommes, et c’est réellement là que vous commencez à voir cette inégalité.

Il y a beaucoup de femmes à l’université, de doctorantes mais peu qui grimpent les échelons, obtiennent des hauts postes ou dirigent leurs propres laboratoires.

Comment expliquez-vous ce manque de visibilité des femmes dans la science ?

C’est ancré dans les mentalités…  Je pense qu’en tant que femmes nous ne disposons pas de la même confiance en nous que les hommes, et cela doit changer. Le changement pourra s’effectuer grâce à l’apparition de femmes-modèles capables d’encourager d’autres femmes. C’est pourquoi ces prix et ses bourses sont très importants. Ils montrent aux jeunes générations, filles ou garçons, que les femmes aussi peuvent faire de la recherche. Et ce, aussi bien que les hommes.

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En tant que femme-travailleuse et scientifique, pensez-vous avoir un choix à faire entre la maternité et votre carrière ?

Je n’ai pas d’enfants et je ne sais pas comment j’aurais réussi à les intégrer à mon quotidien. Quand vous étudiez, que vous passez votre doctorat, il y a très peu d’aides pour avoir un enfant. Alors j’ai choisi de ne pas en avoir. J’ai tellement travaillé ces six dernières années que je pense que mon enfant aurait été lésé. Je souhaiterais avoir des enfants mais peut-être dans quelques années.

Nous ne devrions pas avoir à faire un choix entre la maternité et notre carrière. Mais, pour vous donner un exemple, dans mon travail, je dois passer beaucoup de temps dans le laboratoire. Si je tombe enceinte, je ne peux pas y aller à cause des produits chimiques avec lesquels je travaille. Ceci nous donne neuf mois hors du laboratoire puis quatre mois de congés de maternité, alors que nos collègues masculins continuent leurs travaux… Vous ne pouvez pas rivaliser. Pour autant, je ne pense pas qu’il soit impossible de fonder une famille et de faire carrière, c’est juste plus difficile. Pour cela, les femmes devraient bénéficier d’un plus grand soutien qui leur permettre de concilier les deux.

Souhaitez-vous rester en Afrique du Sud ou travailler à l’étranger ?

Je suis née, j’ai grandi et étudié à Johannesburg. J’ai travaillé à Pretoria, qui se trouve à une heure de route, et maintenant mon travail m’emmène à Cape Town… Ce serait intéressent de passer du temps outre-mer, que ce soit pour six mois comme pour quelques années. C’est une expérience intéressante. Mais je reviendrai en Afrique du Sud pour essayer de monter ma propre entreprise et d’y développer davantage les sciences. Mon cœur, ma maison se trouvent en Afrique du Sud.

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Pour conclure, avez-vous un message à faire passer à la prochaine génération de femmes scientifiques ?

Si vous êtes passionnées de sciences et avez une curiosité naturelle envers le fonctionnement de l’univers, c’est une carrière faite pour vous. On ne travaille jamais vraiment quand on fait quelque chose que l’on aime. Ce n’est pas un chemin facile, aux objectifs professionnels limpides, mais si vous êtes passionnée, vous trouverez votre chemin et tout ira bien. Si je peux le faire, vous aussi !

Retrouvez l’entretien ici