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Focus : l’entrepreneuriat, l’arme antichômage pour les jeunes Africains?

Comment satisfaire les 10 millions d’Africains qui entrent chaque année sur le marché du travail ? Pour éviter la crise, pouvoirs publics et investisseurs misent sur la création d’entreprises.

Le continent africain connaitra la plus forte croissance de la population en âge de travailler dans le monde durant les quinze prochaines années. Les démographes parlent de dividende démographique, c’est-à-dire de la baisse mécanique des dépenses consacrées à la population dépendante, libérant des ressources pour le développement économique.

Mais pour profiter de cette opportunité, les pays africains doivent faire face à un immense défi en matière de création d’emplois. Déjà, 60 % des jeunes Africains seraient sans emploi. Et chaque année, plus de 10 millions de jeunes actifs entreront sur le marché du travail.

Pour un nombre grandissant de décideurs politiques et de bailleurs de fonds, la promotion de la création d’entreprises apparaît comme une solution pour multiplier les emplois dont le continent a tant besoin.

Selon le rapport 2013 du Global Entrepreneurship Monitor/Youth Business International (GEM/YBI) sur l’entrepreneuriat chez les jeunes, parmi toutes les régions du monde, l’Afrique subsaharienne concentre en effet la plus forte proportion (60 %) de créateurs d’entreprise potentiels parmi les 18-35 ans. Toutefois, 32 % d’entre eux sont poussés par la nécessité, ce qui signifie que l’esprit d’entreprise est perçu comme une stratégie de survie et non pas comme une opportunité pour faire des affaires.

Financement et administration, principaux obstacles des jeunes entrepreneurs 

Si l’entrepreneuriat est encore peu développé sur le continent, c’est parce que les créateurs d’entreprise se heurtent à des difficultés considérables : ils peinent à accéder à des financements abordables ainsi qu’à des services d’accompagnement et de conseil, ils sont confrontés à des obstacles administratifs et plus généralement à un manque d’encouragement de la société dans son ensemble.

Mais la montagne à gravir par les universités pour changer la donne paraît presque infranchissable tant leurs moyens sont ridicules au regard de l’évolution des effectifs. « À Dakar, moins de 15 % des étudiants de l’université Cheikh-Anta-Diop obtiennent leur licence en trois ans. Le sureffectif – 90 000 étudiants pour 25 000 places – rend les conditions d’apprentissage très difficiles », estimait en 2014 Abdoul Alpha Dia, professeur à l’Institut supérieur de management (ISM) et à l’université de Bambey.

De nombreuses initiatives prometteuses pour entrepreneuriat

Sur le front de la promotion de l’entrepreneuriat, les États peuvent néanmoins compter sur l’implication grandissante du secteur privé. « Les multinationales, qui voient dans l’Afrique un territoire de croissance pérenne, se rendent compte qu’elles ne peuvent pas prospérer sans le développement d’un écosystème de PME et de PMI », observe Paul Giniès.

De manière plus spectaculaire, le milliardaire nigérian Tony Elumelu a lancé en 2015, au travers de sa fondation, un programme doté de 100 millions de dollars (environ 80 millions d’euros) sur dix ans afin d’identifier et de former 10 000 start-up, de créer 1 million d’emplois et 10 milliards de dollars de revenus annuels. À l’occasion de sa deuxième année, l’initiative a suscité plus de 45 000 candidatures, provenant principalement du Nigeria, du Kenya, du Ghana, de l’Ouganda et du Cameroun.

Du côté des institutions de développement, la valorisation de l’entrepreneuriat est aussi dans l’air du temps. Arrivé à la tête de la BAD en mai 2015, Akinwumi Adesina a naturellement mis l’accent sur l’agriculture, un secteur qu’il connaît bien puisqu’il en avait auparavant la responsabilité au sein du gouvernement nigérian.

Le programme « La jeunesse dans l’agri-business », doté d’un budget de 700 millions de dollars, qui sera mis en œuvre dans vingt pays sous la direction d’agences nationales avec l’appui d’organisations comme l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) ou l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra), ambitionne d’offrir des opportunités d’insertion professionnelle à au moins 800 000 jeunes.

Ce type de programmes contribuera-t-il significativement à la réduction du chômage des jeunes ? Il est trop tôt pour porter un jugement définitif sur leur efficacité.

Pour décupler leur impact, les politiques de promotion de l’entrepreneuriat devraient en outre s’inscrire systématiquement dans une vision plus large, incluant par exemple, pour les multinationales, des obligations de transfert de compétences, de production locale et de recours à des fournisseurs nationaux dans un certain nombre de secteurs.

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