L’OIF publie un dictionnaire pour promouvoir le lingala et le sango

Premier ouvrage du genre, un dictionnaire trilingue français-lingala-sango est publié par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Un outil précieux qui vise à développer l’apprentissage des langues nationales dans des pays ou plusieurs langues coexistent. Entretien avec Ngalasso Mwatha Musanji, coordinateur du projet.

Huit années et des dizaines de spécialistes à Bordeaux, Brazzaville, Kinshasa et Bangui ont été nécessaires à l’élaboration d’un dictionnaire trilingue français-lingala-sango publié par l’OIF, qui comprend 15 000 mots. Premier du genre à associer ces trois langues et à le faire de façon si détaillée avec 15 000 entrés, cet ouvrage propose également des éléments de grammaire et de conjugaison.

Présenté dans le cadre de la journée internationale de la langue maternelle organisée par l’Unesco et l’OIF, ce glossaire s’inscrit dans le cadre du programme ELAN-Afrique, qui vise à promouvoir les langues nationales en Afrique subsaharienne. Deux autres dictionnaires devraient voir le jour à la fin de l’année : l’un en français-mandé-pular, l’autre en français-kiswahili-haoussa.

Coordinateur du projet, le professeur de sociolinguistique et de linguistique africaine à l’université de Bordeaux Montaigne, ancien directeur du Centre d’études linguistiques et littéraires francophones et africaines (Celfa), et chercheur à l’université de Johannesburg, Ngalasso Mwatha Musanji répond à Jeune Afrique.

Jeune Afrique : Pourquoi avoir conçu un tel dictionnaire ?

Ngalasso Mwatha Musanji : Les États africains voulant intégrer les langues nationales, comme le sango ou le lingala, dans le processus éducatif sont de plus en plus nombreux. L’idée est donc de développer une « pédagogie convergente » [l’apprentissage de plusieurs langues dans des contextes multilingues, NDLR]. Nous avons pu constater que les élèves africains ont des difficultés avec le français, qui est la langue dans laquelle se fait l’enseignement mais qui n’est pas toujours celle qu’ils parlent à la maison. Cette situation peut créer des blocages.

Les langues nationales doivent coexister avec le français, sans pour autant le remplacer. Au début des indépendances, la tentation a été forte d’évacuer les langues colonisatrices. Or, le français appartient désormais à notre histoire, à notre identité, à notre relation avec le monde.

À qui s’adresse ce dictionnaire ?

Bien sûr, il s’adresse à un public scolaire, mais pas seulement. Nous avons imaginé un dictionnaire assez vaste pour qu’il puisse être utilisé dans la vie courante, mais aussi pour servir à des chercheurs, ou encore à des touristes ou des journalistes. La plupart des dictionnaires de traduction entre le français et l’une de ces deux langues comporte 3 000 ou 4 000 mots. Avec 15 000 entrées, ce dictionnaire peut servir à des approches scientifiques.

Pourquoi avoir associé le lingala et le sango ?

Il est vrai que le lingala et le sango sont assez différents : le lingala est une langue bantoue, le sango une langue soudanaise. Il existe plus de 2 000 langues en Afrique. Nous avons donc privilégié, pour l’Afrique centrale, ces deux langues majeures et transfrontalières, donc partagées par de nombreux citoyens dans plusieurs pays.

Certes, le sango, pratiqué en Centrafrique et au nord de la RDC, possède une extension moindre que le lingala. Mais cette langue est la seule, en Afrique francophone, à laquelle est octroyée, en Centrafrique, le statut constitutionnel de « langue officielle » en parallèle du français.

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Propos recueillis par Caroline Chauvet (Jeune Afrique)